Dans les yeux de Didier Barroso - Plaisir Palace
ESPRIT COUTURE 2024
Ni tout à fait boutique, ni tout à fait galerie, Plaisir Palace fête ses trois ans en 2024. Au cœur du Marais, Plaisir Palace est d’abord un petit théâtre de curiosités évolutif. Niché à l’ombre de l’ex-Carreau du Temple, Plaisir Palace évoque un boudoir moderne où chaque vêtement, chaque imprimé témoigne d’une passion irréductible à celles des boutiques de seconde main. La qualité du regard, la sélection rigoureuse l’emporte sur l’accumulation. Et c’est là toute la différence. Après avoir travaillé pendant quinze ans dans l’art contemporain, du Palais de Tokyo, à la galerie Yvon Lambert, puis Art Concept, Didier Barroso a choisi de revenir à sa passion : la mode. Ou plutôt, tout ce qu’elle lui inspire : les vêtements, il les collectionne depuis l’âge de quinze ans. André Courrèges, Pierre Cardin, Yves Saint Laurent, forment son trio de tête. De l’Ecole des Arts Décoratifs de Limoges, aux temples vintage du monde entier, qu’il a découverts au fil de ses voyages, et des foires (Miami, New York, Los Angeles, Tokyo), cette passion s’est renforcée, affinée. Le résultat est à la mesure d’une exigence, d’un goût, d’un regard dont « Plaisir Palace » est le rendez -vous parisien.
Que constatez-vous aujourd’hui ?
Il y a un mood « Archives » dans l’air. Les années soixante-dix demeurent une source d’inspiration privilégiée, sans doute parce que cette décennie fait coïncider dans les vêtements à la fois l’architecture, la construction et la fantaisie de la couleur, des imprimés.
Quelles sont les griffes qui suscitent aujourd’hui un intérêt particulier ?
Yves Saint Laurent, parce qu’au-delà de la ligne, d’une grande pureté, s’ajoutent des couleurs extraordinaires. Mais également Azzedine Alaïa, Celine, Courrèges. Ces marques font rêver parce qu’elles contiennent toute la mythologie parisienne du glamour, et surtout à travers elles, c’est la « main » couture qui domine. Ce retour à des icônes coïncide avec une nouvelle forme d’appropriation. Ce qui était censé être porté le soir, les clientes l’adoptent le jour, en le dédramatisant, en le désembourgeoisant. Elles osent porter des paillettes avec des grosses boots, des vestes de cuir or avec des jeans. Le rapport au mythe revient. Il ne s’agit pas de nostalgie mais d’une envie sans doute pour la Gen Z de se mesurer à une histoire aux codes très précis, de trouver dans un vêtement le point de vue d’un créateur.
Et en termes de pièces ?
Ce sont les vestes de costume à commencer par celles d’Yves Saint Laurent, de Jean Paul Gaultier taillées dans de belles matières, légèrement oversize et qui plaisent beaucoup en ce moment. Au contraire, les jupes ont totalement disparu des demandes. Les clientes veulent des pièces sophistiquées qu’elles pourront détourner en mode cool. Les couleurs les plus demandées sont le brique, les bleus, du turquoise à l’outremer. Le rose ne fait plus recette.
Quelle leçon tirez-vous au quotidien de cette expérience ?
A l’heure où l’on parle de durabilité, je note que ces pièces ont toutes en commun une extraordinaire facture, une qualité d’exécution extraordinaire. Sans logo, elles affichent une signature. Et correspondent bien aux désirs des clientes qui veulent consommer moins mais mieux. Et surtout, retrouver un rapport amoureux au vêtement. Il s’agit d’une rencontre avec une pièce, disponible seulement en une taille, une couleur, et cela entretient la désirabilité.
Qu’est ce qui vous amuse le plus ?
Accueillir des filles de vingt ans qui posent un regard tout neuf sur les pièces, se les approprient. Au-delà de celles qui pensent qu’une veste matelassée Saint Laurent rive gauche leur « rappelle » Isabel Marant, la curiosité est là, rafraîchissante. Le bouche à oreille est là. Et depuis son ouverture, Plaisir Palace ne cesse d’accueillir un public de plus en plus large, des particuliers aux costumières (pour Mascarade, avec Isabelle Adjani), en passant par les stylistes d’Emily in Paris.