Thebe Magugu, Racines en main
L’élégance, l’allure, l’attitude. Le regard. La dignité d’une présence qui ne confond pas mémoire et nostalgie. Thebe Magugu dessine, écrit, photographie. Ses clichés deviennent des imprimés, ses mots se retrouvent encore sur ses tissus. Ses « Zulu », « Tsonga », « Pédi » « héritage dresses », sont de véritables tableaux en mouvement. Des motifs enveloppes d’avion, aux tissus apparus comme des pages d’écriture en mouvement, l’esprit est là est là, omniprésent, qui donne à la main toute sa noblesse. « Mon premier cadeau, c’était un carnet de dessin » raconte le créateur sud-africain. « En échange, ma mère m’avait demandé que je dessine chaque jour. Son exigence m’a donné la direction, le sens de ma vie. » Très jeune, il coupe ses pantalons, sait cintrer ses blazers, dandy virtuose qui affirme sans peur sa différence. « Je viens d’une petite ville. Les mains m’ont aidé. Avec elle, j’ai écrit des poèmes, j’ai habillé mes amis. Juste pour m’échapper de la réalité. »
Dans le Salon Sphère du palais de Tokyo, Thebe Magugu évoque un haut dignitaire venu présenter sa collection dont la portée est universelle, et parle à la fois d’artisanat autant que d’héritage culturel. A 26 ans, il était seulement « le plus jeune de la sélection 2019 », mais aussi le premier Africain à remporter le prix LVMH. D’emblée il prononce un mot que la mode a comme balayé de son vocabulaire : « éducation ». De sa marque, il a fait une sorte d’encyclopédie, « les gens ont trop d’idées reçues sur l’Afrique ».
Pour l’été 2023, Discard Théory, parle encore et ses mains, oui, celles qui depuis toujours l’aident à se définir, autant qu’à se démarquer. Et bien sûr de la mode, comme « une expérimentation sociale », ainsi que l’illustrent ces vêtements, inspirés par les tonnes de déchets textiles qui font partie de tout ce que rejette l’Occident, dans ce downtown Johannesburg où en véritable alchimiste, il reprend les motifs des couvertures, les oranges et les verts synthétiques, les images des Fish and Chips, pour en faire de purs désirs, haut la main. Son documentaire est à regarder absolument.