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Haut les mains : Véronique Leroy

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Au 32 boulevard Ménilmontant, il faut passer la grille, longer le passage fleuri. Un ancien temple bouddhiste y est devenu son show- room, atelier… Les cartons, les livres et les magazines tiennent une bonne place. 25 ans d’archives racontent Véronique Leroy,  même si rien ne pèse, tout chez elle, tient de la force de l’instinct, de cette vivacité dont elle a fait un style, une allure. « Je garde tout. J’ai la mémoire de tous les tissus. C’est la mémoire du toucher ». Ainsi commence à brule pourpoint cette conversation qui immédiatement va à l’essentiel : « Les mains d’Azzedine Alaïa ».

Celles qu’elle a longtemps observées. « Ces mains larges, avec des doigts bien dessinés, qui toujours épinglaient, rangeaient, coupaient. ». Ayant fait son apprentissage dans une école de coupe, Véronique Leroy a gardé de cette expérience capitale, -plus de trois ans chez le maître- ce goût absolu : « J’aime les mains de faiseurs ». Celles de son ami, le modiste Elvis Pompillo, les lui rappellent « Quand je le vois modeler avec ses pouces, j’ai l’impression qu’il est né pour ça ». Son père était ouvrier, et de sa famille, elle a gardé cette maîtrise-là : « on a toujours été plus habile avec nos mains qu’avec les mots ».  Pourtant, les siens sont aussi précis que ses silhouettes, taillées, construites, avec une poigne reconnaissable entre toutes : « Je n’aime pas le hasard. Je peux être roulette russe dans la vie. Mais pas dans mon métier. » Et de préciser : « Dans un vêtement, tout est une question d’appui. J’aime les tissus qui permettent d’architecturer, les tissus qui ont une main ».

C’est peu dire qu’elle a été marquée par le prêt à porter des années quatre-vingt, celui qui justement avait pris la parole, pour exprimer un pouvoir. Une attitude. Harris tweed, crêpe de laine, denim japonais, sous ses doigts, les tissus vont dans le bon sens, elle réussit même à donner un volume à une maille sans jamais en faire une boite. Toute est dans cet équilibre-là. C’est cette tension entre les matières un peu nerveuses, compactes que l’hiver 2022 révèle dans ses couleurs chaudes et automnales.  De ses mains soulignant les godets d’une jupe patineuse, empoignant un manteau ultra spacieux, elle dit encore : « Mon anxiété, mon impatience, mes mains les révèlent. Elles me trahissent. Parfois je mets des faux ongles transparents, mais c’est ridicule, ce n’est pas moi. Je les aime quand elles sont en action. Ce qui est important, c’est de faire, de refaire, de savoir s’arrêter.  Alors le travail devient une sorte de méditation ».