Haut Les Mains: Marie Christine Statz (Gauchère)
Elle a longtemps déploré que les souris d’ordinateur, les paires de ciseaux et autres objets du quotidien ne soient réservés qu’aux droitiers. Gauchère, c’était ainsi que son professeur de modélisme la désignait à l’école de la Chambre Syndicale. Une épingle à l’endroit, une autre à l’envers. Un jour le « nickname » est devenu le nom de sa griffe en 2013. Celle qu’elle dirige d’une main de maître, directrice artistique et fondatrice de cette maison qui défend un « design intuitif », une manière de « souligner l’individualité : « au cœur de Gauchère se trouve l’art du tailleur, l’appréciation des matériaux à leur état brut ». Née en Allemagne, elle se destinait à l’économie, mais a bifurqué. Un peu comme ses boutonnières de chemises, ces vestes dont le tracé si rectiligne cache une asymétrie, cette manière de jouer avec les codes droit fil pour les détourner. Rigueur à fleur de peau, que ses mains tracent au stylo bille et au Promarker Brush Almond/Almendra/Amande numéro 0819, « la chair des ombres, pour créer un léger relief ». Sous ses doigts au travail (elle reserve ses bagues à la nuit), les silhouettes se font et se défont, comme autant d’esquissses en marche. « Ce sont des notes » dit-elle, tant toute la complexité nait d’un drapé intérieur, d’une épaule à la fois tenue et souple : « Avec la modéliste, je parle avec mes mains. Je précise l’attitude. Elle voit ce que je cherche ». Petits côtés, pinces, volumes, tout est une histoire d’essayages, de lignes en mouvement. Les mains dans la tête, la tête dans les mains, « pour ce soit toujours vivant, en lien avec le corps ». Ses « pillows pumps », bien rembourrés, et bientôt vendus à la Samaritaine, exaltent ce confort de l’après confinement. Cette envie de retrouver la rue et l’extérieur comme si on était encore chez soi, cette joie qui rayonne encore en douce, dans ces robes nues, cette longue jupe à paillettes, un jeu entre séduction et austérité qui ressemble à une caresse. @laurence-benaim