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Dans les yeux de Sylvette Lepers

Interviews

Directrice des partenariats créateurs et image de la Redoute
« Ce qui me guide, c’est la passion et l’admiration », par Laurence Benaïm

Un stage d’été devenu carrière… En 1981, alors qu’elle n’a que dix-huit ans, qu’elle fait ses premières armes comme stagiaire à la Redoute. Successivement employée, acheteuse, responsable du bureau de style du prêt à porter, responsable du service de presse, elle élève sa curiosité et son regard en signature, donnant grâce à la mise en place d’une organisation basée sur la cocréation à tous les niveaux, une véritable relation de confiance avec les créateurs. Sylvette Lepers est plus qu’une incubatrice : à travers son métier, elle défend celui de la mode, du goût, de l’envie de faire partager le meilleur du meilleur au grand public, de ce « beau au prix du laid » dont Maïmé Arnodin et Denise Fayolle avaient fait un idéal de design populaire à Prisunic dans les années soixante. C’est sous le soleil de la transmission autant que de la surprise, de l’agilité, que Sylvette Lepers s’engage au quotidien. Élevée au rang de Chevalière des Arts et des lettres en 2023, elle est celle qui orchestre depuis plus de dix ans à la Redoute les collaborations mode et déco. Avec elle, l’entreprise e-commerce de Roubaix s’est imposée comme une référence auprès des créateurs. 

 

La première collaboration ? 

C’était avec Anthony Vaccarello , en 2011 sur les conseils de Lou Doillon qui m’avait dit « Ce garçon a beaucoup de talent, tu devrais le rencontrer ». Deux ans plus tard, j’ai proposé la même chose à Simon Jacquemus, ainsi qu’à Sézane, Balzac, Dawei, Koche, Vanessa Seward, Mossi, Yasmine Eslami, Alexandre Blanc.  A la Redoute, les collaborations existent depuis 1969 : il y a eu Emmanuelle Khanh, puis Lagerfeld, Yves Saint Laurent Azzedine Alaïa, Rykiel… J’ai voulu élargir le spectre en défendant et en soutenant la jeune création autant que les jeunes marques des maillots de bain Chlore à la lingerie responsable Jolie Mômes, en passant par Sœur ou The Label Edition ou encore La Veste. 

 

La plus récente ? 

Norman Mabire-Larguier, lauréat 2022 du prix la Redoute x Head—Genève (haute école d’art et de design de Genève) le temps d’une collection capsule. Le designer confirme ainsi la puissance de son univers aussi précieux que rigoureux en trois pièces noires et radicalement élégantes. Il est sélectionné au Festival d’Hyères cette année. La collection réalisée avec la Redoute sort en novembre. 

 

Ce qui me guide ? 

 Jury de plusieurs écoles, dont celle de l’HEAD à Genève, avec laquelle nous avons lié une belle amitié il y a cinq ans, j’ai toujours le même plaisir à découvrir de nouveaux talents. Et de faire partager ces découvertes en les inscrivant de manière concrète dans une autre réalité, celle d’un grand public. Proposer un style créateur à des prix accessibles tout en défendant un principe de qualité.   

 

Une ambition majeure ? 

Donner de la visibilité à la jeune création, de Benjamin Benmoyal à Kevin Germanier, autant qu’aux jeunes marques comme Maison Château Rouge et aux projets plus insolites, comme celui d’About A Worker, un projet réalisé avec un duo créatif qui a donné la parole à des ouvriers du textile, en l’occurrence des collaborateurs de notre centre de logistique à Roubaix. 

 

Un mode d’emploi ? 

Il se soumet à un agenda, celui d’une collaboration qui prend son sens de manière concrète dans l’échange, les rencontres, la mise au point des modèles. Nous avons la chance de pouvoir compter sur une modéliste qui a ce talent de comprendre la personnalité des créateurs, de ressentir ce qu’ils souhaitent. Je fonctionne à l’instinct. J’ai besoin qu’il y ait en amont un coup de cœur. J’ai envie que tout soit fait dans la confiance et la transparence.  La Redoute se charge de la production, des shootings, de la communication.

 

Quel regard portez-vous sur la jeune création en 2023 ?

Plus le temps passe, plus je trouve ces jeunes gens incroyables. Ils sont pour moi, une formidable source d’énergie, je les sens responsables, très lucides. Rien n’est facile, ils le savent mais la passion les anime

 

Un secret ? 

Innover. Rester agile, et surtout fidèle à son ADN. Ce que nous aimons par-dessus tout c’est répondre aux exigences d’un créateur, qui sont fortes et inspirantes. Les créateurs viennent à la Redoute pour explorer notre tissuthèque, on trouve des solutions ensemble. Ainsi Clara Daguin, invitée de l’été 2024 a remplacé les LED par des bandes réfléchissantes.  Je crois à la création, à l’imagination, au savoir-faire, à ces valeurs qui sont parfois bafouées par les réseaux sociaux. J’aime ce qui a du sens. La passion nous porte. Notre chance est d’être soutenu par le Groupe Galeries Lafayette, avec beaucoup d’intelligence. Nous ne sommes ni dans une démarche caritative, ni dans une course aux quantités. La dimension pragmatique trouve son sens dans le projet créatif.  Alors que le principe des collaborations s’est largement banalisé, nous essayons toujours de surprendre. Notre luxe, c’est de prendre le temps. Une image se construit très lentement, elle peut vite se détruire. Notre vrai secret, c’est la passion. 

 

Un rêve ? 

Faire une exposition qui mettrait en scène et en lumière toutes ces collaborations.