Dans les yeux de Pierre Banchereau
Créateur de la maison Debeaulieu dont il vient de fêter les dix ans, Pierre Banchereau célèbre la nature dans un bouquet d’inspirations hors convention, par Laurence Benaïm.
Difficile d’imaginer sous son bonnet blanc qu’il fut dans une autre vie chasseur de têtes. Les graines qu’il a semées depuis dix ans sont devenues une entreprise de référence dans le monde de l’art, de la mode, emblématique d’un style qu’il a lancé en remisant au placard du bon ton les bouquets ronds et monochromes. Avec lui, les fleurs anciennes ont retrouvé l’aura que leur avait confisquée les lys et les roses trop anonymement parfaites. Glaïeuls, renoncules, dalhias, œillets, sa fleur favorite, la couleur explose en notes picturales dans ses scènes champêtres revisitées.
Bouquets rue Henri Monnier, plantes et vases rue Victor Massé, le voici qui ajoute un troisième lieu à son univers : un studio de création situé rue Duhesme, dans le dix-huitième arrondissement. « Notre ADN est de jouer la rencontre de l’intemporalité avec la modernité, de nouvelles associations de végétaux et de couleurs » assure ce transfuge de la vie de bureau fasciné depuis son enfance en Vendée, par l’art décoratif, les jardins, les fleurs dont il a fait son métier. Pour mieux le détourner, et opposer aux « bouquets stricts et sans saveur », des compositions asymétriques et polychromes. Sa passion, il la doit à Dries Van Noten, à Yves Saint Laurent, « une inspiration de couleur, de féminité, de folie », autant qu’à la peinture flamande, au baroque méditerranéen, et à l’épure : « j’aime associer de l’argenterie Ercuis, à des verres Murano et à de la vaisselle contemporaine », assure ce sculpteur d’éphémère qui a remis à l’honneur le sens du temps, de l’imperfection artisanalement juste. « Le goût, c’est comme un déséquilibre. J’aime créer l’accident. » assure celui qui soutient le Sidaction en composant tous les bouquets de la soirée du 25 janvier (près de 2000 fleurs) dans un hommage à Niki de Saint Phalle. L’art et les fleurs retrouvent leurs correspondances à travers un engagement qui coïncide avec des partis pris responsables : « sensibiliser le public autour de la saisonnalité, aller chercher en soi comme dans la nature, les racines d’une passion. » Celle qui cette saison se teinte aux couleurs de la mode, pourpre, orangés, vieux roses, bordeaux.