Qu'est-ce qui vous passionne dans la mode en ce moment ?
La création avant tout. J’ai un rapport charnel au vêtement. J’aime le travail sur les formes et c’est à Yohji Yamamoto que je dois de m’avoir transmis cette passion. Assister à ses essayages au studio, à Tokyo, a été pour moi une sorte de révélation. Je suis tombée amoureuse de cet élan qui pousse à trouver l’équilibre parfait entre la créativité et la maîtrise de la construction, l’imaginaire et la ligne. Quand on suit tout le processus créatif, quand on voit les choses se mettre en place, c’est fascinant. Je garde mes yeux d’enfant. Les défilés sont des moments vivants. Parfois une magie se crée entre les couleurs, les formes, les mannequins, la lumière, la musique.
Pour quelle raison peut-on être optimiste quant à l'état de la mode à l'avenir ?
L’énergie que déploient tous les créateurs, dont la jeune génération révélée entre autre par le prix LVMH, representés par l’agence. Je suis fascinée par les émotions qu’ils transmettent, par leur propre optimisme, et c’est lui qui donne une dimension positive à toute la création. Toute une nouvelle génération s’est mise en place et nourrit la mode. La crise a peut-être redonné un élan à cette créativité émergente. Dans une époque formatée, excellisée, on ressent une envie de liberté, de singularité qui vient réveiller la mode.
Selon vous, de quelle manière l'IA pourrait-elle profiter à la mode ?
Ce qui est intéressant avec l’intelligence artificielle, c’est tout ce qu’elle permet de mettre en lumière, en totale opposition : je pense bien sûr à l’artisanat, au travail de la main, à ce sens de l’imperfection qui rend les choses si humaines, si émouvantes.
Qui ou quoi sera à l'origine du plus grand changement dans la mode cette année ?
Ce qui serait bénéfique? La question est complexe dans la mesure où pour qu’une marque se développe elle doit vendre. Et en même temps je me demande comment le marché pourra absorber autant de propositions. Je crois que c’est l’excellence qui doit primer à travers l’apprentissage, la formation, la qualité. Il y a beaucoup trop de produits jetables. Le monde d’Instagram et de Tik Tok où tout se consomme à la seconde, ne peut aller que dans le mur. A un moment, comme le marché, le cerveau ne pourra plus absorber autant d’information. Le changement le plus salutaire serait qu’on achète moins, mais mieux.
Pouvez-vous nous suggérer un mantra de la mode pour 2024 ?
La création doit être au centre de tout. C’est elle qui permet de rêver, de faire rêver, de se nourrir intellectuellement et émotionnellement.
Ce qui devrait changer ?
Je souhaiterais qu’il y ait un meilleur accompagnement de la mode par la Ville de Paris. Par exemple la mise à disposition de lieux publics, musées, institutions à des tarifs raisonnables pour les créateurs indépendants. Tout devient de plus en plus difficile. Situation aggravée avec les Jeux Olympiques. Il sera presque impossible de circuler dans le centre de Paris dès juin.
En quoi l’Asie continue d’être déterminante dans votre vie ?
L’Asie m’offre un autre regard, un autre rapport au temps, aux choses, aux lieux, à la beauté en général, une ouverture d’esprit.