ALEXIS MABILLE - DAZZLING COUTURE
Quel est l’esprit de cette collection ?
On présente la collection au Lido que j’ai redécoré l’année dernière, pour faire un 360° degrés, pour être nimbé dans un univers qui associe Haute Couture et architecture d’intérieur. L’idée est d’être dans un grand salon, on utilise des effets d’eau, de lumière, de son, pour optimiser le côté scénique. Les mannequins défileront comme les invitées d’une fête. D’où le nom « Champagne », avec l’idée d’une présence pétillante et espiègle, et en même temps assumée. L’heure n’est pas forcément à la fête, mais l’esprit festif est ce dont les gens ont le plus besoin. C’est un pic de positivisme. L’important est de faire ressortir la partie ludique de chacun et de l’animer. La mode est faite pour créer de la lumière. Et cela fait partie de mon ADN. C’est une palette offerte à des clientes qui ont besoin à travers la Haute Couture de se théâtraliser.
Comment l’avez-vous conçue ?
C’est un état d’esprit, une typologie d’attitudes : il y a une quarantaine de passages, avec des personnages qui ont du répondant, d’où cette idée de la bulle de champagne. J’ai beaucoup travaillé les brillances, les scintillements, les métallisés mats, les tissus lamés, les micro-pailletages qui donnent l’illusion d’un uni laqué, des broderies avec des effets de mosaïque… La palette est assez hivernale, par des blancs qui montent en tonalités pour aller vers des ors, des argents platine, des ors rosés, des mordorés, des bronzes… Si la collection est graphique, elle est quasiment dédiée à la nuit, à la fête. Avec des jambes longues, des fentes, du mouvement de jupe, des volumes, des perlages comme s’il s’agissait de bijoux. Les robes se transforment en colliers.
Quelles difficultés techniques avez-vous rencontrées ?
Chaque collection a ses exigences et ses complications. Les fils de lurex ont tendance à tirer, il faut changer les aiguilles, n’utiliser que des aiguilles neuves et très piquantes, car elles glissent entre les fils ; parfois, avec les paillettes, on est obligé de remailler à la main, on découd toutes les paillettes sur les coutures, et on ouvre, on repaillette tout à la main. L’idée est d’obtenir un effet invisible, et donner la sensation que la robe est complètement moulée autour du corps. D’où ce crin en bande qui permet de faire rouler un col, un ourlet. Tout ce qui semble le plus simple obéit à un travail d’atelier assez complexe, notamment dans les volumes.
Qu’est-ce qui vous pousse à continuer ce métier ?
J’aime l’exercice du dessin. Au départ, je suis assez isolé et puis la collection prend corps dans les mains des artisans. À chaque fois, l’important est de retranscrire la recherche, à tourmenter le tissu pour arriver à nos fins. Et puis, la Haute Couture vous permet de créer un lien très particulier avec les clients. Il y a une nouvelle dynamique. Depuis le Covid, le vêtement du soir est revenu en avant. C’est comme si ce grand néant physique avait prouvé aux gens qu’il était important de se mettre en valeur. Californiennes, chinoises, ou venant du Moyen-Orient, les clientes de Haute Couture aiment le côté exclusif, elles s’offrent une semaine de mode, d’art et de culture. La semaine de la Haute Couture est redevenue une fête. Je compte parmi mes clients, des hommes, des excentriques qui aiment s’amuser. C’est comme s’ils se scénarisaient : ils s’affirment comme des curateurs, leur garde-robe est référencée dans des books, ils se définissaient de plus en plus à travers une approche presque muséale, avec un respect du vêtement qu’ils achètent. À force de se retrouver dans des dîners, des lancements, des défilés, ils se reconnaissent. On fait pour eux de la conciergerie hôtelière, en leur indiquant des nouveaux lieux, en leur trouvant les meilleures adresses. L’important, c’est de leur offrir une expérience totale.
Propos recueillis par Laurence Benaïm