Haut les mains : Christelle Kocher (Koché)
MAINS D’ESPRIT
Multiplier les expérimentations « décalées », celle qui la font progresser, toujours : avec Christelle Kocher, la tradition est un voyage, une projection vers tous les ailleurs, là où le passé, l’imaginaire et l’innovation se télescopent. Là où tout est possible. Formée à la Saint Martin’s School de Londres, cette strasbourgeoise a multiplié les expériences, d’Emporio Armani à Martine Sitbon, de Chloé à Sonia Rykiel, Dries Van Noten, et Bottega Veneta, avant de lancer sa propre marque. « J’aime bien commencer avec un mannequin du tissu, et ma machine à coudre. Et ensuite je dessine » dit-elle qui présente sa collection Koché automne hiver en live, au Westin. Depuis 2010, elle est parallèlement directrice artistique de la maison Lemarié (Chanel) : l’atelier qui comptait alors 15 personnes en emploie désormais 110. « Karl Lagerfeld, Virginie Viard, Bruno Pavlovski m’ont donné carte blanche. (…) Chez Lemarié, je n’utilise pas mes mains, je donne les directions, en essayant d’ouvrir les horizons. La meilleure façon de conserver un artisanat, c’est de le transmettre. Et la meilleure façon de transmettre, c’est de partager, de s’ouvrir. C’est s’imprégner du passé pour créer le futur. J’ai reconstruit des techniques. Je leur parle de motifs, je leur montre des installations contemporaines. On a des équipes entre 25 et 30 avec pleins de profils différents. Elles sont mes mains. » Casser « l’image french cancan de la plume » pour l’emmener du côté de la technologie et de l’art contemporain, font partie d’un vrai projet culturel autant qu’artisanal.
Streetwear au petit point, haute couture en mode remix, avec Christelle Koché, les repères volent en éclat. L’intention est là, fidèle à cette devise de Kant qu’elle tient serrée contre son cœur : « Les mains, c’est la partie visible du cerveau ». Sa double activité donne à son travail une résonance particulière, affranchie de tous les clichés.
« Dans ma marque, j’aime bien commencer avec un mannequin du tissu, et ma machine à coudre. Et ensuite je dessine. Les étudiants qui viennent sont toujours surpris de me voir draper très facilement très aisément. J’adore toucher les tissus, c’est mon truc. J’ai une main très Floue, de manière très intuitive. J’adore les crêpes, les velours, la Georgette, les charmeuses, j’aime les jerseys, la liberté de mouvement et le confort qu’il permet aux corps, j’aime les silhouettes fluides, les tissus qui coulent. Ils ne sont pas faciles, mais d’instinct, je suis très heureuse, je sais que je fais arriver avec eux à faire quelque chose de contemporain. Ce sont mes amis. Passer des fils de fronce, maitriser le tombé des matières délicates, ça glisse, c’est fascinant, mais ç’est toute une technique » assure la styliste. « J’ai eu la chance d’avoir été formée aux techniques de la coupe par un des derniers assistants de Jacques Fath, il avait 75 ans, il m’a transmis la passion, savoir comprendre une coupe de Balenciaga, il vénérait John Galliano, il collectionnait même des vêtements de Comme des Garçons. Du coup j’ai appris à construire, couper des manches marteaux, des manches kimono, avec lui, et du coup le travail de la main a été important. Un vêtement se comprend en le manipulant, il faut imaginer comment le corps bouge à l’intérieur ». En l’écoutant, l’intelligence de la main reprend son sens. Sans nostalgie. Pour aller de l’avant. « Les placements à l’ordinateur permettent d’être plus précis, sans pour autant compromettre l’âme de ces métiers. Tout est optimisé. Et la beauté est toujours là, il y a un côté très positif. L’important c’est de savoir où on veut amener ces métiers, en cherchant des choses ailleurs, toujours » Et de préciser : « Avec la main, ce qui est magnifique, c’est toujours la possibilité de l’ imprévu ».