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Didier Ludot, Passion griffée : « Les robes sont à moi, pour la vie »

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Par Laurence Benaïm.

« Le dernier passage », tel est le titre de la vente aux enchères de la collection Didier Ludot qu’organise Bonhams Cornette de Saint Cyr le 30 janvier, à Paris. Cette vente, la quatrième en dix ans, clôt définitivement une histoire de robes et de passions, un demi-siècle au Palais Royal, où les boutiques sont définitivement vides, et fermées. Parmi les « lots phares » figurent « Sevillane », et « Coquine », deux modèles crées par Yves Saint Laurent chez Dior en 1959, et qui provoquèrent tant de remous… Cette nouvelle vente réunit 350 pièces, marquant toute l’histoire de la mode du vingtième siècle, autour de noms aussi prestigieux que ceux d’Yves Saint Laurent (plus de 80 modèles), Christian Dior, Gabrielle Chanel, Cristobal Balenciaga, Pierre Balmain, Pierre Cardin…

Les estimations de 300 à 6000 euros seront sans doute largement dépassées. L’émotion est là, à fleur de peau, tant ces robes, ces tailleurs, ces ensembles, témoignent d’un rapport unique de son propriétaire avec la mode. « Les robes sont à moi pour la vie. Je n’ai pas peur de m’en séparer. Ce qui m’attriste, c’est de me sentir déconnecté du monde de la mode. Avant, les clientes étaient cultivées, elles savaient glisser dans les robes. Aujourd’hui, les filles viennent essayer des robes de mariée en gardant leur jean, ou leurs grosses chaussures. J’ai l’impression d’habiter une autre planète.  La haute couture était un art de vivre. J’ai eu la chance de côtoyer ceux et celles qui avaient la mode en passion ».  

Didier Ludot revoit Azzedine Alaïa lui acheter des robes, Nicole Kidman se « couler » dans des fourreaux sous le regard absolu de Tom Cruise, ou encore Hubert de Givenchy -qui passait régulièrement avec Philippe Venet : « Hubert de Givenchy était un peu jaloux de ses sublimes manteaux double face que Jackie commandait pour toutes ses résidences. » Il se souvient : « J’ai commencé en 1971, j’étais étalagiste à la Compagnie de l’Orient et de la Chine, j’allais aux puces d’Aligre et je vendais aux filles de la boutique des capes argentées, des robes à fleurs. C’était le début du rétro. Ce fut le début d’un petit commerce. En 1974, j’ai ouvert une boutique au Palais-Royal, très vite, les dames m’ont apporté des sacs, et c’est ainsi que tout a commencé. » 

 La passion est là, intacte : « Yves Saint Laurent, c’est un nom magique. Je me souviens d’avoir fait du baby-sitting pur acheter ses chemises … » Il peut parler sans fin de cette épaule si emblématique, de ces modèles qui racontent à chaque fois une personnalité, une allure. Et de citer encore « Balenciaga pour la ligne, Dior pour le goût de la féminité, Chanel pour la sensualité des doublures en pongé de soie… « Dans un vêtement, le plus important, c’est le poids, le tombé, le toucher. »  Didier Ludot se souvient de cette cliente qui lui avait apporté une robe Dior brodée par Rébé (1956) : « J’ai senti le poids de la couture, d’un savoir-faire unique. ».  Il raconte : « J’ai tout appris sur le tas ». L’œil est là qui se souvient de l’enfance en province, entre les déguisements et les essayages d’une mère qui avait sa couturière attitrée. « Quand mon père est mort, elle a fait retailler tous se costumes pour en faire des robes droites ». Quel point commun entre le dernier tailleur de Gabrielle Chanel, « celui qu’elle a créé mais jamais vu défiler… », (elle décède le 10 janvier 1971), et cette « petite » robe de Grès au dos entièrement dénudé ?  Entre cette robe grand soir en tulle dégradé de Jean Dessès (1952), et ce manteau en cuir et astrakan de Fendi, par Karl Lagerfeld (2006) ?   La vie, la ligne, le goût. Cette époque, dans laquelle il ne se reconnaît pas est aussi celle qui désormais préserve un savoir-faire, à travers les acquisitions des musées, et des maisons. « L’avantage de cette mode vintage, c’est que désormais, quand une vieille dame meurt, on va fouiller ses placards. Avant, on avait tendance à tout jeter ».