Collection Didier Ludot : Mon Défilé Secret
Didier Ludot collectionne des pièces extraordinaires de Haute Couture depuis près de cinquante ans. Le 26 janvier prochain, 150 trésors de ce pionnier du vintage seront mis aux enchères lors d’une vente en direct chez Artcurial en collaboration avec Christie’s. Les pièces seront d’abord exposées sous la forme d’un “défilé secret” célébrant les artisans, les couturiers et les femmes qui ont porté ces magnifiques robes. Didier Ludot et Camille de Foresta, conservateur chez Christie’s, nous offrent un premier aperçu de cette exposition.
Didier Ludot – Vous vous êtes imposé comme l’une des références du vintage. Comment vous est venue cette passion ? Quels ont été les critères de vos choix ?
Petit, j’accompagnais toujours ma mère chez sa couturière. Quand j’ai débuté à Paris au Palais Royal, j’ai commencé avec des bijoux Art Déco qui étaient à la mode à ce moment-là. La collection « Libération » d’Yves Saint Laurent en 1971 m’a fortement inspirée. J’ai commencé alors à chiner des robes couture des années 40 et 50. A l’époque on n’appelait pas ça du « vintage » mais du « rétro ». Après avoir exposé les premiers modèles en vitrine, on est venu m’en proposer. Les choses se sont faites assez naturellement. Pour moi, les critères ont été simples. J’ai toujours recherché les modèles les plus représentatifs d’une époque et du travail d’un couturier.
Camille de Foresta – En quoi cette collection est exceptionnelle ?
La collection de Didier Ludot est exceptionnelle par sa richesse, sa diversité et sa profondeur. On pense qu’on a déjà vu le meilleur des trésors conservés par Didier et non il y en a encore ! Et quels trésors ! Le volet de la collection qui sera vendu le jeudi 26 janvier a une importance et une identité particulières car aux côtés des couturiers stars comme Alaia, Balenciaga, Chanel, Galliano, Givenchy, Lacroix, Lagerfeld, Mc Queen, Yves Saint Laurent ou Versace, il y a des surprises : des créateurs que Didier Ludot adore et veut faire découvrir au plus grand nombre. Par exemple Jean Dessès, roi du plissé et des robes sculpturales dans les années 1950/60, dont nous avons 5 modèles dans la vente, ou encore Rudi Gernreich, très connu à la fin des années 1960, ainsi que Pierre Bory qui lance une robe en kit à monter soi-même vers 1970 ou aussi une robe très théâtrale Lecoanet Hemant Haute Couture circa 1990.
Didier Ludot – La vente s’intitule « mon défilé secret ». Diriez-vous qu’il s’agit également de votre défilé idéal ?
Beaucoup de souvenirs et de choses me reviennent en mémoire avec cette vente. Elle s’appelle « mon défilé secret » car c’est une vente intimiste. Chaque vêtement à une histoire. Soit qu’il ait appartenu à des femmes comme Francine Weisweller ou Charlotte Aillaud que j’ai connues. J’aimais l’élégance de ces femmes. J’ai eu la chance de les côtoyer et j’en gardais un souvenir. Soit qu’il s’agisse de prototypes de défilés. Ces pièces ont pour moi une valeur particulière car ils sont les modèles originaux, ceux qui sont les plus proches de ce que les couturiers ont imaginé. Beaucoup de prototypes viennent de l’atelier Mme Grès. Lorsque Bernard Tapie avait racheté la maison, il avait jeté une grande partie des archives à la benne. Des personnes sont venues me les revendre ensuite. C’est très touchant d’avoir ces pièces que Mme Grès a eu entre les mains et qu’elle conservait avec amour. La veste brodée vert anis Saint Laurent est le modèle du défilé. Il y a même encore le bolduc.
Ce défilé secret permet de faire connaître quelques grands maîtres moins connus aujourd’hui comme Jean Dessès ou Marc Bohan. Enfin, ces modèles d’exception rendent hommage à tous les artisans de la haute couture. Il y a toute une nostalgie là-dedans.
Les pièces vont être achetées par des maisons, des musées ou des collectionneurs. Mais ce qui me fait plaisir, c’est que je sais qu’elles vont être protégées maintenant.
Camille de Foresta – Quelle pièce illustre, selon vous, au mieux, cette collection ?
C’est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre mais il me semble que le dialogue engagé dans le catalogue dès les lots 1 et 2 entre un haut de tailleur en lainage noir de Christian Dior de 1952 et une robe du soir courte de Versace de 1992 illustre parfaitement l’exigence et la rigueur de l’œil de Didier Ludot. 50 ans séparent ces deux pièces et on retrouve dans la robe Versace l’essence même de la veste Dior : l’architecture de la coupe, la mise en valeur du corps et l’intemporalité radicale qui font l’essence de la haute couture.
Didier Ludot – Pour finir, quel serait le casting idéal de ce défilé secret ?
C’est très difficile à dire. Toutes ces filles des années 80 et 90. Stéphanie Seymour, Claudia Schiffer, Cindy Crawford, Naomi Campbell, Kate Moss, Carla Bruni,… C’était une fête les défilés avec elles ! Elles savaient bouger et faire vivre les créations des couturiers.
Pour commencer, je mettrais trois robes Mondrian et deux Poliakoff de Saint Laurent, j’ajouterais beaucoup de Balenciaga, des robes épurées de Mme Grès, du Alaïa et du Galliano pour Dior qui reprenait les codes de la maison avec humour et talent. Et McQueen serait le summum. Je ferais plutôt un défilé avec le meilleur de chaque créateur plutôt qu’un défilé avec plusieurs créateurs.