Haut Les Mains: Kevin Germanier (Germanier)
LES MAINS DE LA COULEUR
Ses mains dans les perles. À l’extrémité de sa silhouette en noir et blanc, dans son atelier parisien dont la table scintille, un discoland en plein jour. Manga pixélisé, conte explosif tapissé de trente-sept kilos de billes multicolores, assemblées une à une. Ses mains si adroites, si agiles, dont il dit : « Au début, on n’est pas à l’aise, on se fait mal, on se pique, et puis à un moment, elles avancent sans réfléchir, c’est comme si elles avaient leur propre cerveau. Elles ont compris le moment où elles se géraient elles-mêmes… De plumes en sequins, Kevin Germanier aime jouer avec la lumière, comme avec la couleur, assembler pour mieux fractionner. De sa palette chromatique, il dit : « On dirait un ordinateur qui bug, une télé qui grésille ». Ses mains donc, qui effleurent un imprimé Swarovski pour mieux le rebroder, à la recherche d’une nouvelle silhouette, comme l’écho tactile d’un rêve, de cette lettre qu’il s’est envoyé lui-même, il y a sept ans, quand, à Londres, à la Saint Martin’s School, il rêvait d’une « composition autour d’un corps qui bouge avec la lumière. » Cuissardes, harnais, masque intégral, la pop parade des saisons précédentes se pare d’atours plus protecteurs. Une amazone digitale en 4D donc, gladiatrice signée par ces mains qui en ont vu de toutes les couleurs. Ses mains qui ont de qui tenir, sa mère, sa grand-mère, et toute la tribu Germanier qui tricote pour la maison. Ses mains qui l’aident, lui le « control freak », à « aimer l’erreur » à trouver dans l’imperfection une forme de salut. À inventer de nouvelles techniques, une perle de travers et voilà un volume, un volant, une nouvelle histoire. Ses mains qui en 2021 ont fait scintiller des flacons aux Abeilles pour Guerlain, érigé un « artefact » en morceaux de cristal pour Baccarat, dans le cadre du « Harcourt Show ». Des mains d’enfant roi qui drapait son petit frère, habillait les Barbie de sa sœur : « Je ne savais pas coudre, je collais. J’ai fait énormément de dessins, on m’appelait même la photocopieuse. » Ses mains donc, un kaléidoscope aux dix doigts, la vraie belle claque au bon goût. « L’important, c’est d’avoir une identité ». @laurence-benaim