Molière en costumes
Alors que 2022 marque le 400e anniversaire de la naissance de Molière, un grand nombre d’hommages, d’expositions et de représentations spéciales sont organisés pour honorer l’un des plus grands dramaturges de tous les temps. Véronique Meunier-Delissnyder, conservatrice générale des bibliothèques et directrice adjointe du département des arts du théâtre de la Bibliothèque nationale de France – et Delphine Pinasa, directrice du Centre national du costume de scène à Moulins – nous font découvrir « Molière en costumes », une exposition qui explore les costumes exceptionnels associés à ses œuvres.
Molière est l’auteur français le plus joué au monde aujourd’hui. Comment expliquez-vous ce succès de nos jours encore ?
Observateur lucide de la société du XVIIe siècle, Molière met en scène à travers ses comédies, des personnages et des intrigues qui font la critique des comportements humains et de leurs vices. Il imagine une galerie de personnages dont il dépeint avec malice et humour leurs faiblesses, leurs jalousies, leurs déficiences, plus rarement leurs vertus ! Ces imperfections sont avant tout des traits de caractères humains qui font terriblement écho auprès de nos sociétés contemporaines. L’exposition Molière en costumes invite le visiteur à découvrir ces grands personnages de l’œuvre de Molière selon un parcours organisé autour de thématiques telles que : les vices, la satire de la médecine et de la religion, la raillerie du bourgeois ridicules, la jalousie, l’infidélité, la condition des femmes…
Dans les pièces de Molière, l’apparence est un thème récurrent. Quel est le rôle de la mode dans son œuvre d’après vous ?
La scène du maître tailleur dans le « Bourgeois gentilhomme » est l’un des moments les plus marquant pour refléter le rôle de la mode dans l’œuvre de Molière. L’auteur prend prétexte des excès vestimentaires de la mode portée à la cour du roi Louis XIV pour en faire la critique. Il s’amuse des bourgeois rêvant de devenir gentilhommes ou des « Précieuses ridicules » qui aspirent à accéder à la noblesse. Leur ascension sociale passe par l’art du paraître et les protagonistes se parent de riches tenues, garnies de canons de rubans, de dentelles aux jabots et aux engageantes, de plumes ornant les chapeaux, de hautes perruques historiques. Les silhouettes largement exagérées sur scène révèlent le ridicule et l’outrecuidance des personnages.
Quel costume exprime le mieux, selon vous, cette relation entre Molière et la mode dans l’exposition ?
Plusieurs costumes peuvent prétendre à exprimer la relation particulière entre Molière et la mode. Les metteurs en scène et créateurs de costumes interprètent les œuvres de manière très particulière pour chaque production. Par exemple, le costume de Tartuffe dans la mise en scène de Michel Fau au Théâtre de la Porte Saint-Martin en 2017, a été conçu par Christian Lacroix. Cet habit, réalisé en taffetas « rose shocking » jusqu’au bas et chaussures assortis, est bien peu conforme à celui d’un fervent dévot ! Tous les costumes de servantes et de valets, font écho aux usages vestimentaires de l’époque de Molière mais avec une vision spécifique sans cesse renouvelée. Des couturiers et maisons de haute couture ont depuis toujours participé aux productions théâtrales, avec des interventions plus ou moins régulières selon les époques. Le costume de danseuse pour Melle Berthe Cerny dans « La Comtesse d’Escarbagnas » pièce donnée à la Comédie-Française en 1910 a été acheté chez Paquin.
De quelle façon un costume de théâtre contribue à caractériser un personnage ?
Au sein d’un spectacle, le costume joue plusieurs rôles selon son apparence physique et ses caractéristiques esthétiques. Élément visible et matériel de la représentation, il contribue par ses couleurs, ses formes, son traitement décoratif, usures, ornements… sa modernité ou son apparente historicité, à la définition du personnage. Le théâtre, au sens large du terme, convie le spectateur à une fiction dont les codes et les partis pris sont préalablement acceptés par l’auditoire. Le créateur de costumes imagine des silhouettes selon les intentions du metteur en scène et dans une perspective d’ensemble qui intègre également la scénographie et au-delà même, la dramaturgie qui se déroule sur scène. L’interprétation d’un rôle passe, entre autres, par un travail de transformation et d’imagination, le costume, en tant que seconde peau de l’acteur, apparaît comme un des éléments de cette métamorphose, aussi bien pour le public que pour l’artiste.
“Molière en Costumes” se poursuit jusqu’au 6 novembre 2022 au Centre national du costume de scène.