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Le Paris de Proust

Focus
Henri Gervex (1852-1929). “Une soirée au Pré-Catelan”. Huile sur toile, 1909. (A l’extérieur, Anna Gould et Hélie de Talleyrand-Perigord. A l’intérieur, 1ère baie, à droite : Marquis de Dion. Baie au centre : Liane de Pougy. Baie à gauche : Santos-Dumont). Paris, musée Carnavalet.

L’exposition présente une carte du Paris de Marcel Proust avec ses lieux de prédilection. Dans quelle mesure cette carte reflète la vie de l’auteur ? 

C’est effectivement dans le VIIIe arrondissement, entre la place de la Concorde et l’église Saint-Augustin que s’est déroulée l’essentiel de son existence même si les hasards du destin l’ont fait naître et mourir dans le XVIe arrondissement. Cette localisation correspond au déplacement des milieux aristocratiques et bourgeois vers l’ouest de la capitale à partir du milieu du XIXe siècle, c’est donc là que choisit de vivre son père, médecin, à proximité de sa clientèle fortunée et c’est également là que vivra Proust, même s’il dit ne pas aimer cet endroit. Les différentes adresses qu’il occupe avec ses parents puis seul, les Champs-Elysées où il joue enfant, les salons aristocratiques et bourgeois qu’il fréquente ensuite, les restaurants qu’il affectionne, la maison close d’Albert Le Cuziat, tout l’univers proustien tient dans ce périmètre finalement assez restreint et qui prend pourtant dans le roman la dimension d’un monde immense.  

Quel lieu illustre le mieux ce Paris proustien ?

Il est difficile de choisir car ce serait privilégier un aspect de son existence au détriment d’un autre, et passer à côté de sa complexité. Le grand mondain qui dîne au Ritz est celui qui affectionne les soupers intimes dans sa chambre du 102 boulevard Haussmann et ne dédaigne pas s’encanailler dans une maison de rendez vous située rue de l’Arcade. 

Jean Béraud (1849-1936). “Sortie du lycée Condorcet”. Huile sur toile. Paris, musée Carnavalet.

La ville racontée par Proust dans ses écrits est-elle réelle ou fictive ?

La ville de Paris, qui n’est pas le cadre exclusif du roman mais qui constitue pour tous les personnages un pôle d’aimantation irrésistible, est bien sur une transposition du Paris que Proust a connu. L’écrivain élabore le cadre de son roman en prélevant dans ses souvenirs et ses observations, pour offrir une image de la ville métamorphosée par la fiction. C’est ainsi que se mêlent des adresses réelles, qui permettent au lecteur d’apprécier les changements de Paris entre la fin du Second Empire et les années 1920, et une forme d’imprécision topographique qui recouvre la ville d’une aura de mystère et de poésie. 

Peut-on dire qu’un des personnages de Proust est l’ancêtre de la parisienne d’aujourd’hui ?

Les femmes sont très nombreuses dans A la recherche du temps perdu qui offre un éventail de « caractères », au sens où l’entendait La Bruyère, extrêmement varié. Entre l’aristocratique duchesse de Guermantes, la demi mondaine Odette de Crécy, Albertine, la jeune fille effrontée ou encore Françoise, la cuisinière des parents du héros -pour ne citer que quelques-uns des personnages féminins, Proust offre des portraits de femmes qui incarnent chacune à leur manière, et selon ses propres armes, une image de la parisienne, telle qu’on pouvait la concevoir à la fin du XIXe siècle, entre coquetterie et mot d’esprit.  Toutes ont en commun, quelle que soit leur condition, d’être des personnalités fortes, dont la détermination leur permet finalement une grande liberté de conduite.