Vous avez créé votre marque en 2012, et tout en ouvrant de nombreux pop stores, de Paris à Tokyo et Londres, vous avez multiplié les collaborations, avec Adidas, Le New York Times, Keith Haring, lancé des « Etudes Books » (Tim Barber, Alessio Bolzoni, Llya Lipkin), et même publié un livre chez Rizzoli en 2018. Pourquoi cette saison renoncez-vous à défiler ?
Nous avons en effet décidé de marquer une pause cette saison. En fait, le rythme ne s’arrête jamais. Il nous semblait intéressant, parce que 2024 rime avec 24, -la fin d’un cycle, le début d’une journée- de prendre un peu de distance. Il ne s’agit pas de s’arrêter, mais de réfléchir pour mieux rebondir en juin prochain. Du Palais Royal à la Porte Maillot, nous avons organisé des défilés dans tellement de lieux différents ! Après douze ans d’expérience, on a plus de maîtrise : ce qui est intéressant c’est l’idée d’amorcer quelque chose de nouveau, sans rien subir. Avec deux cent quatre-vingts pièces (au lieu de 320 habituellement, la collection (est montrée aux acheteurs dans une galerie, et nous inviterons les journalistes et le public la saison prochaine. Nous aimons créer ces moments de rupture : en 2020 la collection était celle d’une seule année. Il nous semble légitime aujourd’hui d’interroger le format, la façon de créer de présenter. Sans doute parce que la façon de consommer évolue. L’idée de saison doit-elle encore tout dicter ?
Quelle est la plus grande évolution de la mode masculine ces dernières années ?
Il y a dix ans, le marché n’était pas aussi dynamique. On sent que les propositions se sont enrichies, que les genres se mélangent davantage. Il y a moins de barrières.
Comment définiriez-vous l’ADN d’ETUDES ?
Notre style est influencé par le streetwear, les subcultures. Chaque collection prend racine dans un dialogue avec l’art. On parle de notre « public » plus que de nos clients, même si la distribution est là, avec 120 revendeurs dans le monde. Ils ont entre vingt-cinq et quarante ans, ils sont plutôt curieux, créatif, et en portant Etudes, ils souhaitent marquer leur différence au quotidien. Nous proposons au-delà de nos vêtements une pratique transversale, qui passe par l’art, l’édition, la photographie et qui circule autour de la marque.
Comment continuez-vous de travailler ensemble ?
On se rassemble, on parle beaucoup. Chacun part de ses compétences respectives, plan de collection, graphisme et collaborations, image. On se définit comme un collectif. On est toujours parti du principe qu’en multipliant les savoir-faire, on serait plus agile pour s’exprimer sur différents supports. En fonction des zones d’expertise de chacun, tout s’équilibre naturellement. Une marque doit être cohérente à tous les niveaux ; Il n’y a pas de hiérarchie. Entre nous trois, il n’y a pas de frontière. On nous compare souvent à un groupe de musique. Dans la mode, on peut passer pour des OVNI.