Entre essai et autofiction, sa collection se déploie comme une histoire digne de Maggie Nelson (Les Argonautes) : « faire de la réalité son bien propre ». Une collection à son image, où plutôt à celle de son être aimé, sous forme de déclaration inspirée en 56 passages. Un vestiaire dédié à Delphine Rafferty, sa moitié, qui après avoir été la muse de Kristelle Koché, dansé pour la Horde, monté des décors pour Desigual, a appris l’électricité, et la plomberie, a créé il y a tout juste un an « Les femmes du bâtiment ». Delphine fait même partie du casting totalement dégenré de la créatrice qui affiche le mot d’ordre de la saison : « Coming out » : « un vestiaire à la fois réel et imaginaire, et qui interroge notre absence de références, en dehors des images de la Garçonne fantasmée.
« J’ai repris les palimpsestes des tâches de peinture, utilisé des symboles forts, comme la clé accrochée à un mousqueton. En amour, un des plus beaux gestes, c’est de donner ses clés ». Surréaliste, une robe brodée de près de cinquante clés s’affiche comme la pièce maîtresse de cette collection réalisée entièrement avec des tissus recyclés de Nona Source. A la maîtrise de la coupe, s’ajoute une palette intense jaune, noir, violet qui fait claquer les notes d’une partition tissée : de Sonia Rykiel à Vivienne Westwood, c’est bien l’influence des maitresses femmes de la mode qu’on retrouve ici, sans parodie, mais solidement recharpentée.
Cabans tartan, sweat en jean « trashé », robe seconde peau photo imprimée de ceintures (un clin d’œil à la pièce couture réalisée en une nuit pour Madonna), combinaisons de travail, la force est dans la structure et l’œil qui la met en mouvement. Quant aux bottes de sept lieues, elles signent la démarche plus que responsable : « Il s’agissait déjà de cuir recyclé. Elles étaient rouges, on les a repeintes en noir. L’usine a fermé. »