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Habibi, les révolutions de l’amour

Avec « Habibi, les révolutions de l’amour », l’Insitut du monde arabe, à Paris, dévoile les multiples regards contemporains sur les identités LGBTQIA+ dans la culture arabe. De la photographie à la peinture en passant par la vidéo, la performance, la littérature ou l’animation, les œuvres présentées reflètent les questions des identités sexuelles et de genre. Au-delà des luttes et des expériences individuelles, c’est un ensemble de récits personnels. Elodie Bouffard, Responsable des expositions à l’Institut du monde arabe, nous éclaire sur cet ensemble unique qui montre les bouleversements majeurs des dernières années sur ces sociétés.  

L’exposition questionne la représentation du genre et de la sexualité dans la culture arabe. Quelles évolutions majeures avez-vous pu observer ?

Dans le monde arabe, comme partout dans le monde, les artistes témoignent des engagements et des luttes pour pouvoir exprimer librement l’amour, les identités de genre et la sexualité.

Depuis une dizaine d’années, par suite des mouvements politiques et sociaux qui ont traversés le monde arabe, les voix militantes et artistiques en lien avec les identités LGBTQIA+ sont de plus en plus présentes. Les activistes s’élèvent contre les lois pénalisant les actes homosexuels, questionnent le conservatisme et proposent des alternatives sociétales.

Les artistes, LGBTQ+ ou allié.e.es, qu’ils ou elles soient dans leur pays de naissance ou en diaspora, participent à ce mouvement en proposant des esthétiques et des modèles de narration émancipatoires.

Ce sont ces regards contemporains qui permettent d’appréhender des interrogations d’ordre politique, social, intime et esthétique, dont-il est question dans l’exposition.  

A travers le genre et la sexualité, vous évoquez également le rapport au corps. Diriez-vous qu’il y a un regard arabe singulier sur le corps ?

La représentation des corps dans l’art arabe est un sujet vaste et enthousiasment qui dépasse le sujet de notre exposition. Les représentations du corps dans les arts visuels arabes sont en réalité très mal connues de la scène européenne et implique un discours sur près d’un siècle de pratiques artistiques. Plus particulièrement et pour en revenir au sujet qui nous intéresse, dans l’exposition Habibi, les artistes présenté.es questionnent entre autres les représentations liées au désir et à l’intime, à la notion de virilité autant que celle de féminité et la déconstruction de clichés tenaces.

Y a-t-il des identités LGBTQIA+ spécifiquement arabes ? Qu’est-ce qui les différencie ?

La question n’est pas simple à traiter tant les identités sexuelles, de genre mais également culturelles et religieuses se définissent par le biais d’une conception intime et personnelle que l’on a de soi et de la façon dont-on se présente aux autres. Néanmoins pour tenter une réponse les réflexions qui animent les sociétés contemporaines et qui questionnent la norme traversent le monde arabe. Les terminologies de l’international LGBTQ+ sont repris dans un cadre militant mais également dans la production culturelle arabe : films, littérature, podcast … Il n’en reste pas moins que ce modèle est également questionné. Les recherches et exposés sur l’homosociabilité dans les études post-coloniales, l’intérêt pour la culture arabe classique sous toutes ses formes  littéraires, en passant par la poésie homoérotique définissent un cadre de référentiel arabe avec ses propres spécificités. La langue arabe elle-même s’enrichit de néologismes ou d’appropriation d’un langage péjoratif pour construire ses structures linguistiques régionales et culturelles propres. Cette dimension est naturellement présente dans l’exposition. 

Quelle œuvre, à votre sens, illustre le mieux ce détournement des normes ?

L’exposition présente vingt-trois artistes et plus de quatre-vingts œuvres, il m’est très difficile de mettre en avant un travail en particulier tant les propositions sont riches, les expériences uniques et les œuvres riches de sens. Aujourd’hui, les thématiques queers dans l’œuvre d’artistes issus du monde arabo-musulman et de ses diasporas proposent des esthétiques et des modèles de narration qui se jouent de l’idée de norme, remettant en cause les systèmes socio-politiques et proposant de nouveaux cadres d’identification et de réflexions pour le monde de demain. Ces questions ne touchent pas seulement les communautés homosexuelles ou transgenres. Interrogeant la notion de normes, c’est aux sociétés dans leur ensemble qu’elles s’adressent. L’exposition ambitionne de présenter les territoires explorés par cette création. A travers ces récits queers, elle propose une sélection d’expériences artistiques multiformes dans lesquelles l’intime, la domesticité, le rapport au corps, la question de la sécurité, de l’engagement et de la lutte sont très largement représentés. En ce sens, chaque artiste propose une lecture singulière et personnelle autant sur le fond que sur la forme de cette notion à la fois épineuse et passionnante de norme sociale.

Habibi, les révolutions de l’amour se poursuit à l’Institut du Monde Arabe à Paris jusqu’au 19 février 2023.

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