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Le regard de Walter Van Beirendonck

Focus

Par Laurence Benaïm

L’œil arc en ciel 

C’était il y a quarante ans et des poussières, Walter Van Beirendonck lancait sa marque éponyme. Qui a oublié « Kiss the Future ! », inspiré par l’artiste Orlan (1998), qui a oublié Dream The Work Awake au Musée de la Mode d’Anvers (2011). La barbe est grise, mais l’œil frise, en alerte arc en ciel. «  Avant, c’était du pur espoir, nous étions totalement libres. Aujourd’hui, les messages relèvent plutôt du « watch out » ! » 

Rien pourtant ne semble altérer la vision de cet ex du groupe des Six d’Anvers, un professeur qui a gardé l’émerveillement de l’étudiant qu’il fut. « J’ai toujours vu le monde en couleurs. Le noir n’est que l’une d’entre elles ». Aujourd’hui encore, avec sa collection présentée à la Salle Wagram, choisie en leur temps par Alexander Mc Queen, Martine Sitbon, Jean Paul Gaultier, il projette l’hiver dans une sorte de galaxie néo fantastique, où les exo squelettes manga regonflées comme des bouées de sauvetage, expriment une certaine vision de la planète. L’œil est partout. En lettres capitales, il donne le ton de l’hiver : « We need your eyes to see the future ». Tissé, tricoté, inspirés par les mosaïques de la cathédrale d’Ortrante, l’œuvre du moine Pantaléone (1160), illustrant des légendes et des contes, mais également l’épopée du Roi Arthur. Une manière pour le créateur de secouer le cocotier du politiquement correct. 

Dans une époque saturée d’images, le salut viendrait il de l’œil ? Sans doute, tant aux yeux de Walter Van Beireindonck, le regard permet de remettre en cause les certitudes, de choisir le fait main plutôt que la perfection glaçante et robotisée de l’intelligence artificielle : « Pour être libre, rester flexible, l’important c’est de voir à l’intérieur de soi-même, et de regarder autour de soi. »