Haut les mains: Daniel Roseberry (Schiaparelli)
Fermoirs de sacs aux doigts enlacés, bijoux d’index, majeur, annulaire et auriculaire… Les mains sont partout dans le grand salon de la Place Vendôme, où est présentée la collection de prêt à porter de Schiaparelli. La main maison est celle qui taille des costumes autant que des maillots de bain ennuagés d’un chou de soie rose shocking, un peignoir d’un spa aux mille étoiles. « Psycho chic », « David Lynch Holidays », entre les excentriques rayures transat et la doudoune de cuir gonflable, la joie est là, qui éclate comme un fruit mûr. Qu’est ce qui fait qu’un sweatshirt en coton blanc devient ici un happening ? Une main pleine d’yeux. Ces silhouettes, ce sont des dessins en mouvement, une route imaginaire sur laquelle les classiques (le mors Gucci, le cheval Hermès), se prennent une claque euphorisante : « couture iconography » assure Daniel Roseberry, directeur artistique de la maison depuis 2019. Tout se passe comme s’il plongeait ses mains dans un monde de lignes et d’extravagances dont Elsa Schiaparelli est la gardienne, bientôt à l’honneur au Musée des Arts Décoratifs pour une rétrospective prévue au printemps prochain. Alors oui chaque saison est une pêche aux trésors, dopée par l’émerveillement. Longtemps ses mains jointes ont imploré un autre ciel que celui de Paris : né à Plano, au Texas, Daniel Roseberry a grandi dans un monde à part. Fils d’un pasteur et d’une mère artiste, il recueille dans ses paumes tout ce qui lui fait dire : « Mes mains sont les fenêtres de mon âme ». Certes, la main, au même titre que l’œil, calligraphie l’histoire de la griffe. On pense aux gants ongles (première collection avec Schiaparelli, hiver 1936-1937), autant qu’à la main tenant un mouchoir de paillettes brodée au fil d’or au bas d’une veste de lin gris (Jean Cocteau, 1937). S’y ajoute le geste d’un enfant qui semble agiter un mouchoir blanc de ses menottes pour dire en silence « venez, échappez-vous avec moi ». @laurence-benaim